Hervé Petit, licencié au Stade Cubzaguais Athlétisme, s’était lancé le défi de la Diagonale des fous, un ultra-trail de légende se déroulant en Réunion.
Réputée pour être l’une des plus difficiles du monde, cette course lui a fait traverser le massif du Piton de La Fournaise, volcan actif, ainsi que divers cirques, pitons et remparts de l’île.
Il nous a livré le récit de sa course, 167 km et 10 000 m de dénivelé positif réalisés en 55h02 !

« Retour sur cette folle aventure qu’est le grand raid de la Réunion !!
Une traversée de l’île en diagonale du sud au nord. Une distance d’environ 170 km pour plus de 10 000 m de dénivelé. Autant dire un vrai chantier sur le papier, et surtout pour moi qui n’avais jamais fait plus de 90 km d’affilé.
J’ai toujours considéré cette épreuve comme étant l’ultime de la course à pied, le graal du traileur.
Après une préparation sur plusieurs mois à aller chercher du dénivelé dans les Pyrénées à 2h30 de route de la maison (pas facile lorsque l’on habite en Gironde), nous voilà partis en famille à 9300 km avec une arrivée en avion le jour même du retrait des dossards, une belle erreur d’organisation que je vais payer sur la course, en effet je prendrais le départ avec une belle dette de sommeil.
Jour J, heure H, le départ est donné à 21h10, dans une ambiance incroyable, une température idéale, et les 5 premiers kilomètres jonchés d’un public en liesse alors que mes yeux ne cessent de chercher ma petite famille que j’aperçois enfin et tape dans leur main, une première émotion m’envahit.
Allez c’est parti et vite, quasi 13 km/h. Mais en sortie de zone urbaine, on prend enfin un rythme de sénateur, le début de course n’est pas top avec beaucoup de bitume à travers les champs de canne à sucre, on s’enfonce petit à petit dans le cœur de l’île.
Est-ce le départ rapide ou la nuit que je n’affectionne pas particulièrement ? Je connais déjà un gros coup de mou dans la première grosse ascension (1800 m en 28 km) qui nous mène à Notre Dame.
Des mini doutes s’installent déjà, mais rapidement tout revient à la normale et je commence à profiter. Les kilomètres s’enchaînent et l’obscurité me plonge dans ma bulle. Un crachin est présent, il faut se couvrir, la température baisse, les conditions météo se dégradent, entraînant évidemment le moral avec mais les premières lueurs font leur apparition à l’approche de Mare à Boue au km 50.

Prochain gros ravitaillement important (base de vie avec sac) et famille au rendez-vous. Ça sera pour Cilaos. L’arrivée sur Cilaos va permettre de se requinquer avec une bonne douche gelée, des vêtements propres, un repas chaud et complet accompagné des encouragements de ma famille au complet qui ont dû affronter la fameuse route des 400 virages en bus avec un chauffeur probablement ancien pilote de rallye !!
Allez, je repars de Cilaos motivé et il faut car pas encore la moitié de fait. Et un gros morceau arrive : la montée du Taïbit (800 m de dénivelé positif sur 4 km soit 20%) . Elle va faire mal cette montée ou plutôt ce mur, les marches sont titanesques, la vitesse est proche de 0 !! Mais il faut avancer encore et encore, la fatigue se fait ressentir, des envies de dormir, des doutes ressurgissent. Là, j’appréhende la seconde nuit.
C’est pourquoi je décide de me retrousser les manches et d’avancer. En plus de cela je reçois plein de messages d’encouragements, ma motivation reprends le dessus. De plus, moi je n’ai pas de bobo, j’en vois plein qui sont déjà mutilés quasiment, qui boitent, qui sont strappés. Également, dans ce type de courses c’est les montagnes russes au niveau émotions, des hauts et des bas.
Plus j’avance plus la fatigue se fait ressentir. Je commence à voir des gens qui dorment sur les bas-côtés avec couverture de survie. J’essaye de faire la même chose mais à peine 10 minutes de sommeil pour 30 minutes de repos. Je me dis que je n’arriverai jamais au bout et je commence déjà à envisager d’abandonner mais en même temps je me dis c’est pas possible, tout ce travail et cette préparation minutieuse. Je ne peux pas en rester là et pourtant au kilomètre 105 à Grand Place je vais voir un bénévole et je lui demande : « Si jamais j’abandonne comment ça se passe pour le rapatriement ? » Là il m’explique que l’on est dans le cirque de Mafate. Aucun véhicule peut arriver jusqu’à ce poste. Donc il faudra faire minimum 2h30 de marche pour retrouver un brin de civilisation. Ma décision n’est pas prise, j’en parle à ma chérie, je sais très bien que d’ordinaire elle m’aurait dit d’arrêter, mais comme moi elle sait que ma déception aurait été très grande avec beaucoup de regret.
Dans le cirque de Mafate, la chaleur commence à se faire sentir, les paysages sont sublimes, grandioses, nous sommes tout petits. On n’en prend plein les yeux, mais aussi plein les cuisses et plein les mollets. Je commence à avoir un peu de mal à me nourrir comme d’habitude. Les Yop passent bien mieux que les gels, je doute de leur efficacité, mais au moins le plaisir est là.
Petite surprise qui arrive aux Ilets Orangers au 120 km, dans un petit hameau perdu, une épicerie-bar me permet de me refaire la cerise avec un bon Schweppes, une glace à la fraise inattendue.
Allez, je sais que je vais bientôt sortir de Mafate et que je vais aller au bout.
Arrivé à Deux Bras km 130, seconde base de vie avec sac de rechange, une mini douche dans la rivière froide, un repas, on repart pour attaquer un gros morceau à Dos d’âne.
Encore des marches de ouf, on se demande si c’est pas des géants qui les ont construites, on a aussi des échelles, des cordes, c’est pas le moment de tituber.

Ça commence à sentir bon et pourtant c’est pas fini, il reste le Chemin des Anglais avec ses pavés posés n’importe comment, on maudits les anglais à ce moment-là jusqu’à ce qu’on m’explique que c’est les français qui ont les ont posés. C’est interminable, ça monte, ça tourne, ça descend.
Ensuite, la montée vers Colorado, c’est la dernière montée mais la course n’est pas finie, reste une descente interminable jonchée de racines énormes ou l’on peut passer sous la racine. On m’explique même qu’il y a eu déjà un décès à cet endroit suite à une chute dramatique.
La fin est longue et l’impatience grandissante, ma montre affiche le chiffre rond des 10000 m de dénivelé positif, une satisfaction.
J’entends le speaker et la musique, 4h du mat, et enfin le bitume retrouvé, et la voix de mes enfants, qui m’encouragent une dernière fois, pour franchir cette ligne d’arrivée, pas d’émotions plus que ça, bizarrement, alors que tout au long de la course j’en ai eu. Allez savoir pourquoi ?
En tout cas cette médaille bien méritée, je savoure l’arrivée.
Mais je dois remercier tous les encouragements de tous SMS WhatsApp le club SCA – Stade Cubzaguais Athlétisme, je ne vais pas citer tout le monde, on peut aussi remercier les bénévoles, les autres coureurs, les rencontres éphémères et bien sûr une mention spéciale à ma petite famille qui a presque dormi autant que moi, ma petite princesse Stéphanie, mes enfants, papy et mamie.
PS : une petite pensée à tous ceux qui ont pour projet cette diagonale, vous allez rechercher en vous des choses insoupçonnables. Vous allez-vous battre pour et contre vous-même. C’est paradoxal, mais c’est ça d’être FOU 😜 «
Encore un grand bravo à lui !